Bon. Vous en avez pas un peu marre, vous, que tous les autres éditeurs et vendeurs de plateformes LMS/LCMS/LXP/e-learning/micro-mobile-hybrid learning vous servent des articles de blog factuellement similaires pour comparer leurs solutions ? D’ailleurs, ça veut dire quoi exactement tous ces types de plateforme ? Et c’est quoi la différence entre tous ces acronymes ? À croire qu’il y aurait une recette miracle pour sélectionner ce type de logiciel, une méthode à appliquer systématiquement pour faire réussir son projet de numérisation des pratiques de formations à 100%. Sauf que … Sauf que cette méthode prônée par des dizaines et des dizaines d’articles ne tiens pas vraiment ses promesses. Aujourd’hui : 67 % des organismes équipés de plateformes n’en sont pas satisfaits.
67%. On est loin du guéri-tout miraculeux.
Alors, une fois ces données posées, je me suis posé des questions : comment réagir à ce constat ? Que mettre en œuvre pour accompagner nos prospects et nos clients dans la réussite de leurs projets ?
La méthode miracle
On pourrait commencer par se poser la question de la méthode, vous savez cette fameuse liste de critères qu’on retrouve plus ou moins à toutes les sauces dans des articles de blog plus ou moins marketing. Après tout ce n’est qu’une méthode, parmi d’autres, et il n’y a pas de raisons intrinsèques qui la rende mauvaise. Si vous n’en avez jamais entendu parler, je me permets de vous la résumer rapidement :
- Analysez vos besoins en formation
- Comparez les caractéristiques et fonctionnalités des LMS du marché, notamment les indicateurs de performance et de suivi
- Comparez l’ergonomie et la simplicité des LMS
- Etudiez la capacité du LMS à évoluer techniquement dans 5 ans
- Identifiez les services associés dont vous aurez besoin
- Comparer les prix
Si sur le papier, comme je l’écrivais plus haut, cette méthode n’est ni meilleure ni plus mauvaise qu’une autre, il suffit pourtant de prendre en compte qu’il existe aujourd’hui plus de 900 produits et plateformes disponibles pour l’e-learning pour comprendre que la deuxième étape est déjà bloquante.
Pléthorique
C’est l’adjectif parfait pour qualifier ce marché en pleine expansion où pullulent les start-ups licornesques.
900 plateformes (selon les estimations récentes),
chacune avec sa spécificité, sa petite fonctionnalité magique, qu’il
faudrait donc comparer les unes aux autres sur des critères larges donc
imprécis.
900 plateformes et donc 900 entreprises avec chacune leur
propre modèle économique, parfois incomparables : coût d’installation,
abonnement mensuel, facturation au compte actif, facturation à la
formation, coût de maintenance …
Dans l’absolu, si chaque institution se dote d’un chef de projet pour
mener cette comparaison et sélectionner une plateforme adaptée, la
méthode est valide. Du reste, le processus est fastidieux et souvent
extrêmement long.
Au cours du processus de sélection, on se rendra rapidement compte que les fonctionnalités générales des plateformes sont très proches et catégorisables sous 3 grandes thématiques qui ne présupposent ni de la qualité de l’activité proposée ni de l’étendue fonctionnelle :
- Activités de médiatisation des contenus : vidéos, audio, documents (pdf, texte, tableur…)
- Activités interactives ou dynamiques : Quizz, questionnaires, formulaires
- Activités « collaboratives » : commentaires, messageries, forums
Au final donc, si on ajoute à la réflexion que :
- l’ergonomie et la « simplicité » restent une notion très subjective, surtout dans le cadre d’un nouvel outil
- la plupart des gens normaux sont dans l’incapacité de prédire l’avenir (pour le moment ?) au point de savoir quelle technologie sera utile dans 5 ans
Bien souvent la comparaison entre plateformes d’apprentissage relève du scénario à la Hunger Games où le meilleur bonimenteur gagne.
Récit d’un échec inéluctable ?
Le tableau que je vous brosse est bien sombre, en particulier venant d’un acteur du secteur, mais croyez moi je suis loin d’être aigri.
D’abord parce que je suis convaincu qu’il existe des moyens de faire les choses bien et de réussir des projets riches et pertinents. Mais à mon sens, il est nécessaire de se focaliser sur les bonnes questions pour catégoriser les outils disponibles, puis éliminer ceux qui ne sont pas pertinents.
Les bonnes questions
Si on en croit les analystes de Gartner, des professionnels de l’analyse comparative de marché, dans leur dernière version du Market Guide for Higher Education Learning Management Systems :
«La principale distinction sur le marché se fait entre : Les LMS propriétaires et Les LMS open-source et basés sur la communauté»
J’ai tendance à être d’accord avec cette distinction toutefois à mon
avis il est nécessaire de préciser ce qu’elle sous-entend : une différence fondamentale de philosophie de la formation.
Il existe, en France comme ailleurs, deux paradygmes de la formation qui
cohabitent, se rejoignent, ou s’affrontent selon les contextes : une
vision «pédagogiste» et une vision «productiviste».
Je vais tenter d’expliquer ma compréhension de ces deux catégories d’acteurs, mais je me dois d’ajouter un avertissement au lecteur dès maintenant : il ne s’agit pas pour moi de juger du bien-fondé de l’un ou l’autre paradigme et je ne prétend pas aboutir à un jugement de valeur final plaçant l’une de ces philosophies au-dessus de l’autre.
La formation comme générateur de revenu
Dans une vision « productiviste » de la formation on retrouve tous les fournisseurs et acteurs dont l’angle d’approche est focalisé sur le retour sur investissement et la génération de revenus (ou l’économie de dépenses) grâce à la formation. En considérant d’abord la formation comme une source de revenu, le marketing de ces acteurs s’est orienté naturellement vers les entreprises cherchant à former leurs salariés vite et bien pour les rendre opérationnel et plus productifs sur le terrain. Les dernières années et l’électrochoc COVID les oriente aujourd’hui vers les centres de formations qui cherchent à s’équiper rapidement. Les plateformes de formation en ligne qui rentrent dans la catégorie « productiviste » s’appuient sur un marketing très puissant autour d’éléments clés :
- Une forte mise en avant des KPI (indicateurs de performance) : taux de connexion, satisfaction, taux de complétion… Enormément de métrique d’usage, mais très peu de métrique d’apprentissage.
- Un modèle de formation correspondant majoritairement à un pédagogie transmissive avec un enchainement de vidéos et de quizz au cœur des activités proposées.
- Une expérience utilisateur ultra-simpl(ifié)e, dans le but de booster les métriques de satisfaction.
L’objectif est donc de fournir un outil le plus « clé en main » possible, ne nécessitant pas ou peu de réflexion de la part de l’utilisateur. Le risque cependant réside dans cette sur-simplification : le produit est extrêmement fixe, laisse peu de place à l’adaptabilité et à la liberté pédagogique du client.
Ces plateformes préfèrent d’interfacer avec d’autres grands acteurs pour les fonctions annexe à leur cœur fonctionnel, et créer un écosystème de logiciels spécialisés qui demanderont chacun un temps d’appropriation.
Autres points qui importera peut-être à certains lecteurs : les start-up de cette catégories hébergent les serveurs de leurs logiciels à l’étranger chez des prestataire comme Amazon. Chacun y accordera la confiance qu’il voudra bien.
La formation pour faire grandir les Hommes
A l’inverse, dans une vision « pédagogiste » de la formation on retrouve tous les acteurs et fournisseurs qui se concentrent sur les apprenants et les processus d’apprentissages à mettre en œuvre pour leur permettre d’acquérir des connaissances.
Ces acteurs peu férus de communication et de marketing y préfèrent le bouche à oreille et les évènement qui ressemblent leur communauté d’utilisateurs, parce que ces rassemblements permettent aussi à leurs clients partager des pratiques pédagogiques et leurs expériences de transition numérique.
La plupart sont issues de recherches et de travaux d’abord universitaires et soutenus par des chercheurs en pédagogie. Seulement voilà, les approches pédagogiques sont variées au sien des établissements de formation, et les plateformes tentent de permettre à chacun de mettre en œuvre sa liberté pédagogique. En résulte alors des plateformes qui :
- Sont plus riches en termes d’activités proposées mais dont la navigation et le paramétrage est plus complexe pour les utilisateurs.
- Touchent au cœur des pratiques pédagogiques des formateurs et bousculent des acquis et des postures
- Se focalisent sur les pratiques pédagogiques qu’elles soient transmissives, socio-constructivistes ou connectivistes, et mettent l’outil au service des pratiques.
Pour ces plateformes, un accompagnement technique mais également pédagogique est absolument nécessaire pour les équipes de formateurs et nécessite des moyens mis en œuvre par le client. Heureusement la plupart des fournisseurs sont bien conscient de l’importance du composant « humain » des projets de numérisation de la formation et se sont depuis longtemps dotées d’équipes de professionnels de la pédagogie.
Mais ces plateformes, de par leur flexibilité, sont également capables de s’intégrer au sein de processus et d’organisation très complexes sans en remettre en cause les processus internes.
Et après ?
Cette différenciation fondamentale seule ne permet pas de choisir «LA» bonne plateforme pour votre organisation, vous l’aurez compris. Au mieux, elle permet de faire une présélections de plusieurs acteurs à mettre en concurrence fonctionnelle, tout en sachant que la relation repose malgré tout sur un partage de valeurs. Ma méthode préférée pour sélectionner un LMS n’est pas très différente de la fameuse méthode magique que je citais au début de cet article, mais elle présente néanmoins une nuance de fond : l’attachement aux valeurs et à l’humain. Vous l’avez deviné, voici le moment tant attendu ou je vous livre la recette miracle en 5 étapes (en supposant que vous avez déjà réfléchi votre stratégie de numérisation de la formation auparavant) :
Pré-sélection
Sur les valeurs, les ambitions
Scénarios d’usage
Comment le logiciel s'inscrit dans vos process
Démos
Evaluer
Selon des critères précis
Négocier
Financièrement mais pas seulement
Pré-sélection
Sur la base de recherche en ligne, ou en contactant des instituions proches des vôtres pour obtenir des recommandations, faire une liste de moins de 5 logiciels qui correspondent à vos valeurs et à vos ambitions (mais aussi à votre budget !). Pendant cette phase, lister une dizaine de fonctions hautement discriminantes pour votre projet, c’est-à-dire les fonctions les plus spécifiques dont votre organisation aura besoin dans le déroulement de sa stratégie. Ce sont aussi les fonctionnalités qui ont le plus de chance de ne pas être couvertes dans leur ensemble par le logiciel et donc de devoir nécessiter des compromis, des changements de process en interne, ou des adaptations du logiciel. Dans tous les cas, il est intelligent de penser ces éléments dès le début et d’estimer à quel point les pratiques et processus peuvent être modifiées, les concessions que l’organisation est capable de gérer ou les moyens qu’elle est prête à investir.
Écrivez des scénarios d’usage
N’écrivez pas des pages de listes de fonctionnalités déconnectées de tout contexte, qui ne permettront pas aux vendeurs de proposer une réponse concrète mais leur laissera le champs libre pour vous donner des vérités imprécises. Imaginez plutôt des scénarios concrets, écrits comme des histoires vécues par vos étudiants, concepteurs, administrateurs… Elle peuvent être extrêmement précises mais doivent s’inscrire dans la vision globale que vous avez pour votre projet, allant de 2 à 10 pages par scénario.
Planifier les démos
Envoyez les scénario aux vendeurs que vous avez pré-sélectionnés et laissez leur du temps pour préparer une démonstration qui suit vos scripts. L’objectif est qu’il puisse raconter les histoires que vous avez écrites en vous montrant à quel moment et de quelle façon leur logiciel rentre dans l’histoire. Ces démonstration peuvent être longues, prévoyez du temps en conséquence.
Evaluer
En attendant les premiers rendez vous démonstration, préparez une grille d’évaluation avec des indicateurs et des critères clairs et précis. Cela permettra aux participants des démonstrations de juger de la qualité des propositions de manière beaucoup plus impartiale.
Négocier
Après les démos et leurs évaluations, vous deviez être en capacité de sélectionner un ou deux fournisseurs avec lesquels vous souhaitez continuer de travailler. C’est la phase, plus longue, d’essais plus poussés, de mise à disposition d’un « bac à sable » (qui demandera du temps à votre chef de projet), peut être des premières formations à la prise en main de l’outil, mais également des négociations budgétaires et fonctionnelles en cas d’adaptation nécessaire. Selon le calendrier de votre organisation et des acteurs que vous souhaitez impliquer dans le processus ces 5 étapes peuvent prendre entre 2 mois et 1 an à elles seules.
Conclusion - Une méthode pour les gouverner toutes
En définitive, quelque soit l’état d’avancement de votre projet, il est urgent de comprendre qu’aucune méthode de sélection n’est parfaite.
Votre institution, son public, ses financements, la résistance au changement de vos collaborateurs … sont autant de facteurs uniques et essentiels à prendre en compte dès le début de votre stratégie de déploiement. Toute méthode nécessitera des adaptations et ajustements afin de s’adapter à vos besoins.
Alors à ce compte-là, comment faire pour rester efficace et s’assurer la réussite de vos projets ?
Ce n’est pas si compliqué : ayez confiance en l’humain !
Se mettre en relation rapidement et dès le début de votre réflexion avec un partenaire comme Claroline Connect c’est profiter de l’expérience d’experts du changement et de l’innovation dans les pratiques pédagogiques et s’armer efficacement pour que le sens prévale toujours sur le marketing.
L'article origina l écrit par Jean-Baptiste Brosset est ici republié avec l'accord de l'auteur.